JO : Kukuk, nouveau roi soleil du jumping mondial
Deutsche Qualität (qualité allemande). La vie de château est parfois cruelle. Alors que les noms d’Eckermann et Epaillard revenaient en boucle sur une majorité de lèvres, ce sont trois cavaliers d’un tempérament discret qui se sont emparés du podium de la finale individuelle en jumping. L’or pour Christian Kukuk (Checker 47), l’argent pour Steve Guerdat (Dynamix de Belheme) et l’argent pour Maïkel van der Vleuten (Beauville Z).
Adieu les rêves d’or pour Julien Epaillard (Dubai du Cèdre), dernier à s’élancer avec le toujours difficile statut de favori. Le Normand échoue au pied du podium. La plus mauvaise place, dit-on, celle de la médaille en chocolat qui ne fait rire personne. À commencer par l’intéressé qui concède avoir commis une faute de relâchement, un excès de confiance. Cette maudite barre aura suffi pour faire s’envoler tous ses espoirs.
Même douche froide pour Henrik Eckermann (King Edward), auteur d’un parcours erratique sanctionné par une chute. Le Suédois trop sûr de lui qui interpellait hier Gregory Bodo pour avoir monté un parcours « trop facile » repart de Versailles avec son amour-propre sous le bras à défaut de médaille. Dura lex ced lex. La loi est dure, mais c’est la loi, même pour le numéro 1 mondial.
Sur fond de château somptueux, symbole de frivolité, ce sont les laborieux qui se sont imposés. La Fontaine, dans Le laboureur et ses enfants, tire comme moralité que le travail est un trésor. La leçon s’applique depuis longtemps à l’équitation. Les trois médaillés du jour en sont une vivante incarnation. Kukuk (34 ans), le cavalier de tête de l’écurie Beerbaum à Riesenbeck n’a paradoxalement gagné son premier GP 5* qu’en 2022 à Rome. Le voilà pourtant en or devant deux habitués des JO. Steve Guerdat, champion olympique à Londres (2012) en individuel et, Maikel van der Vleuten médaillé d’argent par équipe à Londres et de bronze à Tokyo (2021) en individuel.
Beaucoup de déçus et peu d’élus. Telle est la règle du sport. Simon Delestre un peu plus tôt dans la matinée, était sorti du jeu après deux fautes. Avec Grégory Bodo et Santiago Varela le saut d’obstacles a fait sa mue. C’est la perfection ou rien. Les parcours, délicats et fins, n’engendrent pas de casse, mais sont d’une exigence folle, à des côtes maximales. En imposant règle de la mort subite à la moindre faute les hommes de l’art renforcent considérablement la tension qui pèse sur les épaules des cavaliers.
Avant le début de l’épreuve, Grégory Bodo confiait ainsi : « Il faut un cheval qui soit parfaitement en équilibre du début à la fin, avec beaucoup de puissance. » Il devra être à l’écoute des demandes de son cavalier pour pouvoir à tout moment rétrécir ou allonger ses foulées. Le cavalier devra avoir de la dextérité et faire les bons choix. C’est le parcours le plus dur et le plus haut que j’ai créé, le niveau est au-dessus de la finale de Tokyo. »
Le duo franco-espagnol des chefs de piste qui espérait entre 3 et 5 sans faute aura parfaitement rempli son contrat. Que ces épreuves étaient belles !
ILS ONT DIT (source FFE) :
Julien Epaillard
“Je suis évidemment déçu. La médaille en chocolat, ce n’est jamais très agréable. J’avais vraiment un début de parcours difficile pour moi, avec cette ligne 4-5 un peu longue, avec le double. J’ai décidé de faire six foulées, la jument a répondu présent. Après la rivière, c’est pareil, il y avait cinq foulées très longues après la Tour Eiffel et j’en ai à nouveau rajoutée une. Dubaï a vraiment été incroyable, elle a tout donné. C’était vraiment les deux difficultés pour moi. J’avais le sentiment d’avoir passé le plus dur. J’ai pris un peu de temps avant la triple barre pour qu’elle récupère pour la dernière ligne. Je suis rentré, je pense, idéalement, peut-être trop bien et je l’ai laissé un peu sauter d’elle-même la sortie. Normalement, en sortie de combinaison, deux foulées puis un vertical, c’est vraiment pas un problème avec le respect qu’elle a. Il y a eu un petit moment de relâchement de ma part. Après, elle a fini le parcours de manière magnifique. Elle était d’une disponibilité incroyable. Je disais hier qu’elle fait partie des 10 meilleures du monde en ce moment et cela s’est encore confirmé aujourd’hui. Le parcours était vraiment bien, difficile évidemment, en finale individuelle des Jeux olympiques, il fallait s’y attendre. Les chefs de piste ont vraiment fait un très bon travail pendant tous ces JO. Les parcours étaient très subtils, je pense que les chevaux n’ont pas souffert. En tout cas, Dubaï n’a pas mis trop de temps à récupérer. L’organisation était formidable et avec le public, c’était une semaine exceptionnelle. Je pense qu’avec le recul, on se rappellera du positif et de cette médaille de bronze. On va partir en vacances et fêter la médaille avant tout. J’ai plein de choses qui me font vibrer dans la vie, mon élevage avec ma femme qui est très important, mais aussi d’autres projets. Ma vie tourne autour des chevaux. Dubaï, elle, a toujours son petit rituel pour bien récupérer, Caroline s’occupe très bien d’elle. Dès que les températures vont baisser un peu, elle rentrera à la maison, on a l’avantage de ne pas être très loin. Et puis demain, elle va rejoindre ses amis au paddock.”
Simon Delestre
“Le bilan de ces Jeux est positif, avec une médaille par équipes. Aujourd’hui, la seule chose qui est un peu rageante, c’est la faute sur le premier obstacle. J’ai eu un très bon saut au dernier saut au paddock sur un vertical à peu près similaire et mon cheval a sauté de façon formidable. Quand je suis rentré en piste, je ne m’attendais pas à avoir une touchette sur le 1. Après, pour la faute en sortie de double, on a vu beaucoup de chevaux être surpris. La raison est compliquée à expliquer, probablement parce qu’il y avait un soubassement qu’ils ont un peu plus regardé, où vraiment on sautait dans le coin. Après, pour le reste du parcours et les autres difficultés, mon cheval a été remarquable, c’est ce qu’il faut retenir. Il n’a jamais baissé les bras. Il sort de cette expérience grandi. Il a seulement onze ans, c’est son premier championnat, donc c’est de bon augure pour la suite de sa carrière. Concernant le tour, je pense que c’est le plus gros parcours que j’ai vu de ma carrière. J’en ai déjà fait quelques-uns, mais aujourd’hui, c’était vraiment difficile. Avec trois sans-faute, les chefs de piste ont réalisé le meilleur boulot qu’on puisse espérer avec un barrage pour les médailles.”