JO : le coche raté du Grand Parquet
Le Grand Parquet a connu une mue extraordinaire ces dernières années sous l’impulsion des collectivités locales, notamment de la Communauté d’Agglomération du Pays de Fontainebleau (CAPF), qui a succédé à la ville de Fontainebleau dans son exploitation en 2009. Environ 10 millions d’euros ont été injectés de 2009 à 2011. La dernière phase de travaux (2,5 M €) porte notamment sur la rénovation du terrain d’honneur qui sera opérationnel au printemps prochain. Au final, le site disposera, outre les divers aménagements, de multiples carrières et d’un terrain en herbe d’un peu plus de 13 000 m² aux normes olympiques, doté d’un système de sub-irrigation. Difficile de comprendre dans ces circonstances qu’un si bel outil n’ait pas été retenu pour accueillir les épreuves d’équitation des JO quand on sait que 140 à 150 millions seront nécessaires à la création des installations éphémères du site de Versailles.
Dans un pays aussi endetté que le nôtre, la question a interpellé plus d’un esprit au-delà du cercle restreint du monde du cheval. En mai 2018, la députée Claire O’Petit en faisait une question écrite à la ministre des sports en soulignant notamment que, dans le cas des jeux équestres mondiaux à Caen en 2014 qui avaient coûté 78 millions d’euros dont 40 d’argent public, l’absence de pérennité des installations n’avait pas permis de prolonger ces investissements au bénéfice de la filière équestre et de ses pratiquants.
S ‘appuyant sur un rapport de son administration, la ministre des sports dans sa réponse devait alors balayer d’un revers de main les oppositions. « Le rapport intitulé « risques de délais et de coûts concernant certaines opérations majeures en lien avec les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 » remis en mars 2018 par la mission d’inspection générale, souligne que rien ne justifie à ce jour un déplacement des épreuves équestres prévues dans le parc du château de Versailles. Ce choix se fonde sur les éléments suivants. En premier lieu, aucun équipement pérenne ne répond aux besoins nécessaires à l’organisation des épreuves d’équitation aux jeux Olympiques et Paralympiques. En effet, elles nécessitent la mise en place d’une tribune temporaire pouvant recevoir de l’ordre de 15 000 spectateurs ainsi que celle de boxes pour les chevaux d’une capacité spécifique. En second lieu, le choix du site de Versailles a été fortement inspiré par la volonté de la Fédération Française d’Équitation (FFE). Il permettra en outre d’offrir aux spectateurs et téléspectateurs un spectacle exceptionnel dans un cadre particulièrement prestigieux et emblématique. Enfin, certains sites tels que Lamotte-Beuvron ou encore Fontainebleau sont trop éloignés du Village olympique et paralympique et ne répondent donc pas au cahier des charges du comité international olympique (CIO) qui prescrit un temps de transport limité entre les sites d’hébergement et de compétition des athlètes ».
L’argument des tribunes, tout comme celui de l’éloignement du village olympique, peuvent prêter à sourire. La mise en place de tribunes démontables complémentaires était possible à Fontainebleau, ville accessible rapidement en train depuis Paris (60 km) et nettement moins éloignée … que Tahiti qui accueillera les épreuves de surf. La raison principale en fait, c’est la troisième avancée. La position de la FFE dans ce dossier a été déterminante.
Une FFE juge et partie puisque son président poussait alors très fort pour que les installations fédérales de Lamotte-Beuvron soient site hôte et bénéficient de la manne financière conséquente des JO. Très tôt Serge Lecomte, qui ne s’intéresse absolument pas au haut-niveau, a compris que les JO pouvaient être une occasion en or, unique, pour faire monter en gamme des infrastructures plus près du scoutisme à poney que du haut niveau et ainsi, pouvoir enfin rivaliser avec le site historique des sports équestres : Fontainebleau. Le choix de Versailles apparaît a posteriori comme une volonté de l’État de ne pas trancher dans un dilemme interne au milieu sportif équestre.
La seule ombre au dossier Bellifontain était assurément la difficulté à proposer une offre de stationnement conséquente pour une manifestation d’aussi grande ampleur. A décharge pour la CAPF et son EPIC Fontainebleau Tourisme qui assure la gestion directe du Grand Parquet, ceux-ci n’ont pas la maîtrise foncière des 30 hectares du site qui appartiennent à l’État, essentiellement via le ministère de l’Agriculture (ONF) mais aussi, le ministère de l’Intérieur (gendarmerie) et le ministère des Armées (CSEM) . L’affectation sportive relève en conséquence d’une convention d’occupation du domaine public Etat-CAPF qui fixe des contraintes fortes liées en particulier à des zones naturelles protégées. Mais là où est le problème aurait dû être aussi la solution. C’est justement parce que ce site appartient à l’État que celui-ci aurait dû peser pour que Fontainebleau, ville d’art et d’histoire, dotée d’un château historique remarquable et d’une forte capacité hôtelière, située à proximité des autoroutes A6 et A5 et à 5 km de la gare Fontainebleau-Avon soit retenue.
Outre l’investissement pérenne de sommes conséquentes, le choix de Fontainebleau comme site des JO aurait renforcé le caractère mythique du site et l’aurait valorisé dans le cadre concurrentiel des plus beaux concours équestres européens, voire mondiaux. Une occasion manquée, assurément. Mais après tout, Versailles n’est-il pas aussi le symbole des fêtes futiles et des dépenses folles d’un monarque absolu mais aux caisses vides ?
NB : le budget prévisionnel des JO de Paris s’élève à 8,8 Mds€ dont 4,4 pour la partie organisation (COJO) et 4,4 pour la partie infrastructures (SOLIDEO). Si la partie COJO est financée à 97% par de l’argent privé (sponsors, billetterie, produits dérivés, droits TV), la partie SOLIDEO est couverte à 50% seulement par des financements privés.