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La Baule : America first

Kent Farrington, vainqueur d’un Grand Prix hors-normes. Crédit photo PSV-Jumping de La Baule.

Dopée par le partenariat avec Rolex et l’enjeu des Jeux Olympiques, l’édition 2024 du Grand Prix 5* de La Baule restera dans les mémoires avec un plateau d’exception et un moment sportif de grande intensité. La France n’a pas à rougir. Ses cavaliers ont fait de belles prestations, même si seul Kevin Staut (Visconti du Telman) a réussi à se qualifier pour le barrage (10ᵉ au final). A défaut des bleues, ce sont les vestes rouges de la bannière étoilée qui ont fait sensation, 4 points compris de McLain Ward, dans ce qui a tourné à la démonstration de force. Kent Farrington (Greya) et Karl Cook (Caracole de la Roque), respectivement premier et deuxième, ont survolé, au sens propre et figuré, l’épreuve. Une troisième veste rouge, belge cette fois, complète le podium avec Grégory Wathelet (Bond Jamesbond de Hay).

On les savait en forme, ils n’ont pas failli. Les USA se situent bien au sommet de la chaîne alimentaire, avec un appétit féroce. Malgré le nombre, les Tricolores se sont retrouvés figurants involontaires d’un Grand Prix qui leur a échappé. Souvent de peu, mais bel et bien échappé, comme du sable qui file entre les doigts. Que leur a-t-il manqué ? Une once de détermination parfois, mais surtout, comme en Formule 1, un petit manque de puissance sous le capot, celui qui permet de vraiment rivaliser d’égal à égal. À ce niveau d’épreuve et de perfection exigée, les petits rien font la différence. Dans la flotte des avions de chasse engagés sur la pelouse du stade François-André, les Américains étaient les mieux équipés. 

À l’image du vainqueur Kent Farrington, capable suite à l’incident avec son cheval de tête (Landon) vendredi en Coupe des nations, de se rabattre sur un « mulet » (Greya) comme on dirait en F1, juste exceptionnel. Le pilote au gabarit de jockey a ce franc-parler très outre-Atlantique. « J’ai de bons résultats en ce moment, mais dans notre sport, tout peut changer très vite. Vous pouvez passer de héros à zéro en un clin d’œil, mais aussi de zéro à héros. C’est la vie. (…) Pour les Jeux Olympiques, nous verrons une fois que l’entraîneur de notre équipe aura pris sa décision, mais je n’irai pas là-bas pour faire de la figuration. À ce stade de ma carrière, je n’y vais que si j’ai une chance de bien faire. » Nous voilà prévenus.

Doté d’un piquet moins fourni, mais très bien pourvu avec Caracole de la Roque, Karl Cook a démontré que si la mécanique de sa jument tient, il est à ce jour, dans un registre très différent de celui de son compatriote et malgré une expérience moins étoffée, l’un des meilleurs concurrents du moment. Sa volonté de bien faire traduit son attachement à l’enseignement et la personne d’Eric Navet et son côté exigeant. Sa réussite n’a pas, loin de là distendu ce lien particulier maître-élève, si précieux en équitation. « Mon entraîneur Éric Navet m’a beaucoup parlé de La Baule et de tous les souvenirs qu’il en garde. C’était important de bien faire pour lui aussi. Quant aux Jeux Olympiques, pour l’instant, j’essaie juste de faire des parcours sans faute et on verra bien ». Trop modeste. L’introverti, Cook est en effet capable, en dehors des sans-fautes, de signer des barrages marqués de prises de risques judicieuses et techniquement réussies. On peut même avancer que le californien y prend goût et se pique au jeu. Kent Farrington, le très véloce, lui souffle à La Baule la victoire pour quelques centièmes. C’est dire la qualité de son équitation dont le « bien faire » n’est pas incompatible avec la soif de réussite.

Kevin Staut signe la meilleure performance française avec Visconti du Telman. Crédit photo : Agence Bordas.

Quelle leçon en tirer pour la France ? Qu’assurément, il va falloir changer de braquet psychologiquement. À Versailles, il faudra partir le couteau entre les dents, comme les descendants des affamés (essentiellement des femmes d’ailleurs) venus réclamer du pain devant les grilles du château le 5 octobre 1789. Un stage commando s’impose pour partager le point fort de Kevin Staut. En l’espèce, cette capacité de surpassement dans le moment décisif qui permet à un cavalier de transcender sa monture le court laps de temps que dure un parcours.

La Baule a attesté que chevaux et cavaliers français sont performants. Il leur manque le coup de jarret, voire cette lueur de génie, qui leur permettra de dépasser la moyenne pour rejoindre l’excellence. Cela passe aussi par le mental. C’est cette bataille qui doit désormais être engagée au plus vite.

Le classement complet, ici.

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