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Rome : la leçon américaine de Karl Cook

Carl Cook en route vers la victoire aux commandes de Caracole de la Roque. © fotografi sportivi /Rolex

L’Américain Karl Cook a remporté dimanche le Grand Prix de Rome dans le prestigieux cadre de la villa Borghese. Fichtre, un GP 5*, et qui plus est un CSIO, constitue l’une des plus belles marques de réussite sur une carte de visite. L’observateur Tricolore pourrait avoir tendance à tirer la conclusion hâtive que ce cavalier mal connu doit essentiellement son succès à sa fortune qui lui a permis de faire ses courses en France. En s’accaparant Eric Navet comme coach personnel pendant plus de 12 ans, puis en faisant l’acquisition de Caracole de la Roque, ex-monture de tête de Julien Epaillard. C’est, comme dirait tout bon Normand qui se respecte, partiellement vrai et partiellement faux.

Ce qui est vrai, c’est qu’on a le droit d’apprécier modérément de voir nos pépites sportives filer de l’autre côté de l’Atlantique parce qu’une grosse fortune a sorti un chéquier quasi illimité. On ne choisit pas ses parents. Karl Cook (34 ans) est le fils de Scott Cook, le co-fondateur de la société de logiciels Intuit, spécialisée dans les solutions de gestion financière. Sa mère, Signe Ostby, loin d’être une femme au foyer est aussi une redoutable femme d’affaires. Seule circonstance atténuante pour ce couple diabolique : leur passion pour les chevaux. Il est vrai que chez les très riches, c’est un moyen élégant et plaisant de se défaire d’une partie d’une fortune un peu trop obèse et de trouver une occupation à ses rejetons en s’offrant, dès qu’on le peut, le meilleur en tout. Voilà donc le petit Karl immergé dès son plus jeune âge dans le milieu du jumping américain. Il n’apparaît pas comme un surdoué, mais un cavalier honnête que les conseils d’Eric Navet vont progressivement faire évoluer. Parallèlement, comme pour prouver qu’il n’est pas un simple héritier, Karl Cook va créer sa propre entreprise de fabrication d’équipement équestre haut de gamme. Ouf, l’honneur entrepreneurial familial est sauf, d’autant que parallèlement, le fiston a assuré son existence médiatique en épousant en 2018 l’actrice Kaley Cuoco, connue aux USA pour son rôle dans la série à succès The Big Bang Theory. L’intéressé en conserve un look particulier, cheveux mi-longs, lunette de soleil. Eric Navet balaie d’un revers de main ce côté légérement excentrique qui cache en fait une personnalité introvertie et attachante.

Ce qui est faux, c’est que la fortune des Cook ne rend pas pour autant le rejeton inintéressant. Non. C’est bien du côté de son équitation que ce cavalier mérite qu’on s’y attarde un peu. On connaît le niveau de précision et d’exigence que s’impose Eric Navet. On aurait pu attendre que son élève s’en imprègne. Pas vraiment. Pour saisir le personnage en quelques minutes, rien de mieux que de regarder sa très intéressante interview en vidéo (« Sortie de piste ») réalisée par Clara Bodnar le 16 mai dernier pour Grand Prix Info, à l’occasion du CSI de Cabourg. On découvre tout d’abord l’agenda non caché de l’Américain et les rendez-vous à venir, Rome, La Baule, avec en ligne de mire les JO de Paris et puis surtout, sa relation avec Caracole de la Roque. « Un achat potentiellement olympique qui semble me correspondre », lâche-t-il dans cette franchise et ce naturel propre aux enfants de l’Oncle Sam. Cook a notamment compris que Caracole est une jument de caractère et qu’à défaut de pouvoir la maîtriser totalement, il valait mieux l’utiliser dans une répartition intelligente des rôles. Au cavalier, un pilotage aux allures de guidage. À la jument, de trouver ses places et de sauter. À l’inverse de beaucoup de cavaliers de haut-niveau, Cook se refuse à intellectualiser l’équitation, misant plutôt sur une complicité, une complémentarité poussée homme-cheval. Pragmatique, Cook estime qu’il n’existe pas une seule manière de faire à cheval et qu’il convient donc de s’adapter. Or, dans le cas de Caracole, « ça va trop vite, on n’a pas le temps de réfléchir quand on la monte », déclare son cavalier. Et celui-ci d’en tirer les leçons : « Il n’est pas nécessaire de compliquer les choses », « il faut être attentif à son cheval ». Attention à ne pas voir là, la résignation d’un élève incapable de reproduire les enseignements de son maître. C’est plutôt un cavalier qui a fait sienne la substantifique moelle pour développer sa propre équitation. À l’issue de sa victoire à Rome, Cook qualifiait d’ailleurs son mentor du plus beau des compliments, celui « d’homme de cheval incroyable ». 

Petit scarabée est devenu grand. L’ascension de l’Américain n’est pas finie. Il ne monte Caracole que depuis février 2023. On peut donc estimer que le couple en a encore sous le pied. Si tout se passe bien, il foulera le sable de la carrière à Versailles cet été pour la bannière étoilée. Oui, les investissements dans le coach Eric Navet et dans Caracole étaient judicieux. Les Cook ont vraiment le sens des affaires.

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