Maltraitance : la nécessité de construire une jurisprudence Estermann
Faute d’aveux, l’émergence de la vérité n’est pas chose aisée. En 2017, Paul Estermann pilier de l’équipe nationale suisse était accusé, photos à l’appui, de maltraitance sur ses chevaux, Castelfied Eclipse et Lord Pepsi. Le Luçernois de 56 ans s’était alors défendu en évoquant une vengeance de son ancien groom dont il venait de se séparer dans de mauvais termes. La justice suisse a tranché dernièrement en condamnant le cavalier pour maltraitances répétées en première et deuxième instance. Celui-ci devrait faire de nouveau appel mais a parallèlement annoncé se retirer du cadre Elite c’est à dire, qu’il se prive juste de la possibilité de participer à des Coupe des nations et des championnats mais pas de concourir dans les épreuves nationales et internationales. Dans l’immédiat Paul Estermann indique toutefois qu’il ne participera pas au CHI de Genève en décembre ni au CSI de Bâle en janvier. En application de la présomption d’innocence, la Fédération Suisse des Sports Equestres (FSSE) a indiqué renoncer pour l’instant à prendre des sanctions.
La prudence n’est plus l’apanage des Sioux. Elle est désormais largement suisse. On comprend les précautions juridiques prises par la FFSE d’autant que la FEI se sera bien gardée de toute prise de position dans ce dossier. On peut même se féliciter que dans une époque où la délation médiatique devient une pratique courante, des hommes tiennent la barre et respectent un principe essentiel du droit, la présomption d’innocence.
On regrettera pourtant en l’espèce que la FFSE n’ait pas pris de mesures conservatoires interdisant, par un retrait provisoire de sa licence, toute participation à une compétition de Paul Estermann, jusqu’à l’épuisement des voies de recours, processus parfois très long. La solution était peut être alambiquée et fragile comme de la porcelaine devant des as du barreau. A défaut d’être solide, elle aurait envoyé un message simple et aisément compréhensible à tous ceux qui pensent qu’on peut passer ses nerfs et brutaliser un cheval en toute impunité, parce que l’on ne reconnaît pas les faits et que l’on est un cavalier important.
« L’affaire Estermann » ne peut en rester là. Elle doit dépasser le cas personnel pour coïncider avec une prise de conscience des instances dirigeantes des sports équestres de la nécessité d’élaborer une mécanique juridico-administratives permettant d’instituer des garde-fous dans des cas graves de brutalité supposée. C’est ce que l’on pourrait appeler la jurisprudence Estermann.