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Les sports équestres sous l’influence des pétrodollars

Barcelone5 034Depuis quelques années, les rentiers du pétrole se sont pris de passion pour les sports équestres. Non sans incidences sportives ou institutionnelles. La modification des statuts de la FEI pour permettre à la présidente sortante, la princesse Haya, de poursuivre un troisième mandat en est un signe visible et inquiétant.

Où vont les sports équestres ? Ce milieu, dont une image d’Epinal pas si éloignée de la réalité pourrait être « des gens bien éduqués aux gros chéquiers », connaît une petite révolution avec l’arrivée massive de capitaux très importants depuis principalement les états du golfe Persique.

Le plus spectaculaire et visible est sans doute la multiplication des acquisitions des meilleurs chevaux du moment par des fortunes privées, des fonds d’investissement ou même des Etats comme le Qatar. Le Qatar, où les cassettes de l’Etat et celles de ses dirigeants semblent se mélanger, s’est notamment illustré  à l’automne 2013 par l’acquisition de Palloubet d’Halong pour la somme record (pour un hongre) de 11 millions d’Euros.

La conséquence directe de ces transferts de propriété c’est l’ascension fulgurante  de compétiteurs performants à l’image de la très belle 4ème place de Bassem Hassan Mohammed (Qatar) sur l’étalon BWP Primeval Dejavu (Heatbreaker/Lisa) le week-end dernier lors du Grand Prix du Longines Global Champions Tour d’Anvers. On pourrait citer également le cavalier marocain Abdelkebir Ouaddar désormais au top niveau (et déjà son ticket en poche pour les JEM) grâce à son formidable Quicly de Kreisker et à la générosité du roi du Maroc engagé dans ce qui ressemble à une course à la performance avec les autres royaumes arabes.

Visibles également les nouveaux sponsors à l’image du fonds d’investissement Saoudien Furusiyya qui accole désormais son nom à la prestigieuse Coupe des Nations FEI. Mais de la volonté de gagner à tous prix au scandale, il n’y a parfois qu’un pas. Et s’il est un sponsor au nom sulfureux c’est bien celui de Meydan.

Meydan est une société dirigée par le Cheikh Mohammed ben Rashid Al Maktoum, émir de Dubaï mais aussi vice-président et ministre de la défense des Émirats Arabes Unis, époux par ailleurs de la présidente de la FEI, Haya de Jordanie. Propriétaire de plus de 700 chevaux d’endurance, le cheikh (champion du monde d’endurance en 2012) a été éclaboussé en avril 2013 par le contrôle positif d’une vingtaine de chevaux de son écurie de course Godolphin.

L’homme par qui les choses sortent sur le tapis, c’est le président de la Fédération suisse des sports équestres. En mai 2013, Charles Trolliet met les pieds dans le plat. Selon ses comptes, « 40 % des cas positifs en sport équestre proviennent de l’endurance, alors même que cette discipline ne représente qu’une minorité de courses ». Coïncidence troublante, la FEI fait de l’obstruction pour transmettre les rapports vétérinaires censés être faits après chaque mort ou accident en course quand plus de 80 % de ces cas positifs concernent des cavaliers issus du Moyen-Orient, Emirats Arabes Unis (EAU) en premier lieu. Dans beaucoup de têtes on pense conflit d’intérêt sans oser le dire ouvertement. On ne se fâche pas impunément contre des gens financièrement très puissants.

Pourtant, quand un communiqué diffusé le 26 avril 2014 par la Fédération équestre internationale et le comité d’organisation des Jeux équestres mondiaux annonce la signature d’un partenariat avec Meydan, c’est le plus grand émoi dans le petit monde équestre d’habitude très feutré. La levée de boucliers est telle que deux mois plus tard, Meydan fait part de son retrait.

Les choses auraient dû en toute logique rentrer dans l’ordre avec le départ de la présidente de la FEI qui arrivait au terme de son deuxième mandat. La princesse Haya avait elle-même indiqué le 26 septembre 2013 qu’elle ne briguerait pas un troisième mandat fin 2014.

Rebondissement cette semaine à Lausanne où la FEI a largement adopté une modification de ses statuts afin de permettre à sa présidente, de briguer un troisième mandat en décembre. Paradoxe, c’est la princesse Haya qui avait elle-même fait voter, peu après sa première élection en 2006, la limitation à deux mandats présidentiels de quatre ans. De là à dire que le retrait de Meydan du sponsoring des JEM n’a été qu’une manœuvre destinée à conforter la réélection de la présidente sortante soigneusement préparée en coulisses, il n’y a qu’un pas.

Sur les 103 fédérations réunies à Lausanne, 100 ont voté la modification des statuts. Seules 3 ont voté contre : les Pays-Bas, le Lichtenstein et la Suisse. Le dépôt officiel des candidatures interviendra en mai-juin. On ne sait pas encore si la présidente sortante aura un adversaire. Pour ce qui est du mélange des genres, la princesse Haya a précisé « Beaucoup de gens ont des conflits d’intérêt mais, s’ils sont clairement annoncés et connus, ça fonctionne très bien ».

Henry Moreigne

Photo : SAR Haya de Jordanie

 

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