C’était Le Cheval
La Toussaint est la fête des morts. Au grand cimetière des titres de presse il faudra rajouter cette année un chrysanthème pour Le Cheval. La nouvelle est tombée, brutale pour ses dirigeants et ses lecteurs, cette fin de semaine, à quelques jours du 30ème anniversaire d’Equita Lyon. Trente ans, 28 pour être exact, c’est le nombre d’années de bonheur que ce titre particulier aura offert à ses lecteurs.
Un cycle se ferme, celui du papier et de son lectorat partout vieillissant. Celui aussi d’un milieu équestre ancré dans les territoires avec ses histoires vraies de vies d’hommes et de femmes passionnés, d’éleveurs, de cavaliers, de commerçants… Pas assez bling-bling, pas assez people, pas assez lisible sur son portable.
Le destin de Le Cheval a d’abord été scellé par l’évolution d’une société dans laquelle on pense que l’information doit être gratuite et se résumer à quelques lignes et photos qu’on like. Il a également été touché par la dégradation économique générale et continue depuis le Covid. Si on y ajoute le contexte budgétaire et financier actuel anxiogène, frein à tout investissement, on a un cocktail mortifère pour les entreprises notamment de presse qui dépendent de leurs annonceurs. À l’euphorie parfois surjouée des JO parisiens, a succédé le temps de la gueule de bois pour tout un pays qui s’est réveillé au bord de la faillite.
La liquidation judiciaire de Le Cheval doit être perçue pour ce qu’elle est. Certes, elle marque une disparition que certains peuvent percevoir comme anecdotique d’un titre de presse, comme beaucoup d’autres avant lui. Mais elle est aussi et surtout la fin d’une extraordinaire aventure personnelle et humaine particulièrement riche pour ses acteurs directs : Carine et Étienne Robert, forçats volontaires d’une entreprise à laquelle ils ont tout donné.
Cette disparition s’ajoute à toutes les interrogations et inquiétudes qui frappent le milieu rural et, au sein de lui, la filière équestre, fille elle-même d’un monde agricole au bord de l’effondrement, qui a si longtemps porté les valeurs d’exigence et de travail. C’est un élément de plus d’un patrimoine immatériel qui disparait, silencieusement.
Combien ce week-end, fascinés par les spots et l’ambiance d’Equita Lyon, s’interrogeront sur la crise débutante que traverse le secteur équestre avec son cortège de drames personnels ? La mort de Le Cheval n’est pas la mort du cheval, mais elle laisse un arrière-goût amer dans bien des bouches, celui de la fin d’une époque sans que l’on devine les contours de celle qui peine à naître.