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Emballement médiatique à Cagnes-sur-Mer

jump_festival_cagnesLe philosophe grec Aristote disait « il y a trois sortes d’hommes : les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer ». Les marins du 21ème siècle sont d’une autre nature. Ils surfent. Ou plutôt, ils naviguent sur le net mais avec un courage sans commune mesure avec celui des vrais marins. C’est souvent à l’abri derrière leur clavier et dans l’anonymat qu’ils sévissent. Le petit monde de l’équitation n’échappe pas à cette tendance. L’affaire de Cagnes-surMer et l’hystérie médiatique qui l’entoure en sont hélas une triste illustration.

Une chose est sûre c’est que Kevin Thornton se souviendra longtemps de son séjour à Cagnes-sur-Mer. Cet irlandais de 28 ans installé en Suisse y aura perdu un cheval et aurait presque pu y perdre sa vie. Alors que l’on fête dans le pays de Voltaire et de Badinter le 35 ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort, il régnait ces dernières 24 heures sur les réseaux sociaux hexagonaux un étrange appel au goût du sang. Du lynchage médiatique au lynchage physique, la marge est parfois étroite surtout quand des « médias » irresponsables propagent n’importe quoi de façon assumée dans leur course effrénée  à l’immédiateté de l’information.

Les faits reprochés par la sphère des réseaux sociaux sont d’une particulière gravité. Le cavalier est accusé d’avoir fait subir à son cheval Flogas Sunset Cruise des actes de maltraitance qui aurait conduit à sa mort. On n’est donc pas sur une remontée de bretelles un peu sévère de la compétence de la FEI mais sur des délits relevant de la justice. Rappelons à cet égard, qu’il est interdit d’exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques et que plusieurs sanctions pénales sont prévues en cas de mauvais traitements, d’abandon, de sévices graves et d’atteintes à la vie ou à l’intégrité de l’animal. Ainsi, blesser un animal ou entraîner sa mort involontairement est puni de 450 € d’amende même si la blessure ou la mort a été entraînée par maladresse, imprudence, inattention, négligence, ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence réglementaire. De même, la personne qui exerce publiquement ou non des sévices graves ou qui commet un acte de cruauté envers un animal domestique peut être punie de 2 ans de prison et de 30 000 € d’amende.

Ce qui interpelle dans le cas de Cagnes-sur-Mer, c’est le côté péremptoire des jugements portés alors que tout le monde s’accorde à reconnaître que la disparition tragique de Flogas Sunset Cruise est intervenue dans « des circonstances floues ». Autrement dit, l’intégralité des faits n’est pas connue. On avouera que c’est un peu dommage sur un continent où la présomption d’innocence est censée être la règle.

Les premières déclarations de Kevin Thornton contredisent totalement les premières affirmations qui ont circulé. L’autopsie réalisée aujourd’hui devrait apporter quelques éclaircissements. Le temps est donc à l’instruction et aux autorités compétentes pour établir la réalité des faits. C’est une fois ceux-ci établis que le tribunal du net pourra se prononcer mais gageons qu’il sera déjà passé à un autre sujet.

Cette polémique intervient dans un contexte particulier puisqu’un projet de loi intitulé «égalité et citoyenneté» est actuellement examiné par le Sénat. Sous couvert de lutter contre les abus d’Internet ce texte qui vise notamment à lutter contre la diffamation sur la toile a pour corollaire de réduire potentiellement la liberté de la presse, de la vraie presse qui serait dès lors exposée à des actions en justice et à la réclamation de dommages et intérêts pour un article qui aurait déplu sur la base d’une simple faute civile.

Le sénat propose donc de mettre fin au système très protecteur de la liberté de la presse en place depuis 1881 qui pose comme principe que c’est à celui qui s’estime diffamé ou injurié de préciser exactement par quel passage, et de qualifier le délit (injure, diffamation ou autre). S’il se trompe, son action est déclarée nulle par le tribunal.

Derrière le triste épisode de Cagnes-sur-Mer c’est bien la question de l’accès à une information de qualité, c’est-à-dire équilibrée et a minima vérifiée, qui est posée.

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