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France Haras, symbole d’une France en faillite

7I4A9735A vendre. Le conseil d’administration de France Haras réuni en séance le 20 Mars 2014 a acté la vente des quelques étalons encore propriété de l’Etat dont les performers de CSO Mylord Carthago et Paddock du Plessis. Un appel d’offres a été lancé cette semaine pour trouver l’organisateur de la vente aux enchères. Une décision pathétique et incompréhensible au moment où les finales Coupe du Monde de Lyon et les Jeux Equestres Mondiaux de Normandie sont censés constituer la vitrine et une reconnaissance de l’équitation française. Parti pris.

Dans une quasi indifférence générale, l’Etat sous la présidence Sarkozy a décidé d’effacer d’un revers de main les Haras Nationaux, une institution vieille de trois siècles créée au départ pour donner de bons chevaux à l’armée puis progressivement pour permettre à tout éleveur de pouvoir accéder à des reproducteurs de bonne qualité génétique.

Cette idée simple et de génie a assuré le succès et la prospérité de l’élevage français notamment de chevaux de sport. La Normandie est bien placée pour le savoir, tout autant que le berceau de l’anglo-arabie, le Limousin et bien sûr le Sud-Ouest.

La pression des étalonniers privés français et étrangers largement épaulés par Bruxelles résolument hostile aux Etats interventionnistes aura fait vaciller sans trop de peine la vieille maison des Haras. L’endettement public et sa grande faucheuse, la RGPP (révision générale des politiques publique) ont fait le reste.

En janvier 2010, l’établissement public des Haras et l’Ecole nationale d’équitation de Saumur sont fusionnés sous une nouvelle entité juridique : l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Officiellement pour n’affoler personne on parle simplement de réforme et de recherche de synergie. Pourquoi pas, il est vrai que comme toute institution ancienne, un dépoussiérage sérieux s’imposait en termes de meilleure gestion. Le directeur du nouvel ensemble souligne alors que l’étalonnage n’est plus l’activité principale des haras depuis des années et que des activités de formation et d’animation se sont développées parallèlement à la mission d’identification des chevaux qui reste essentielle (avec le fichier national Sire).

Un GIP France Haras, est créé chargé de transférer au privé tous les centres techniques des Haras. Certains seront fermés d’autres, privatisés. En mars de cette année, l’Etat majoritaire au Conseil d’Administration de France Haras impose la vente des derniers étalons, celle-ci devant être réalisée pour la fin 2014 au plus tard.

François Hollande comme député et Président du Conseil général de Corrèze, département qui abrite le célèbre haras de Pompadour s’était pourtant ému de la liquidation des Haras Nationaux. Pendant la campagne présidentielle, son conseiller à l’agriculture, Germinal Peiro, avait déclaré qu’il faudrait «mettre en œuvre un soutien efficace aux Haras nationaux, totalement abandonnés par le gouvernement, et leur redonner leur rôle dans la reproduction dans les élevages, les saillies y étant incomparablement moins onéreuses que dans le privé»… La promesse, comme beaucoup d’autres, restera lettre morte.

Pourtant, dans cette vision à courte vue d’un Etat qui décide de vendre les bijoux de famille pour financer un régime de protection sociale dispendieux, certaines questions ne semblent pas avoir été prises en compte.

A commencer le contexte international. Etait-il judicieux de mettre un étouffoir sur une filière économique qui a fait ses preuves au moment où les sports équestres s’internationalisent et que les opportunités d’exportation vont se multiplier pour équiper les pays émergents ?

Quid ensuite des petits éleveurs plus passionnés qu’argentés qui seront contraints de mettre la clef sous la porte en raison de tarifs prohibitifs ou qui arrêteront de faire saillir ?

Quid toujours de la qualité génétique quand tous les professionnels reconnaissent que la disparition de l’étalonnage public se traduira à terme par un appauvrissement ?

Quid enfin des cavaliers privés de montures, vitrines de l’élevage français, tels Mylord Carthago ou Paddock du Plessis ?

La triste fin des Haras Nationaux constitue un sérieux avertissement pour l’ensemble de la filière équestre française trop fragmentée, trop peu solidaire qui devra pourtant affronter demain une hausse de la TVA juste reportée de quelques mois. Une hausse de plus qui s’ajoutera à l’explosion globale des coûts enregistrée depuis plusieurs  années et qui pourrait bien finir par tuer la poule aux œufs d’or.

Henry Moreigne